Matériel restitué, contrat rompu ? Le licenciement verbal confirmé par la Cour de cassation
- INVICTAE
- 18 juil.
- 3 min de lecture

Les faits et la procédure
Un salarié a occupé le poste de directeur d’exploitation au sein d’une entreprise de nettoyage.
Victime d’un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail le 9 août 2019. L’employeur a demandé au salarié de rendre son véhicule de fonction, les clefs, les badges de l’entreprise ainsi que la totalité des dossiers qui lui avaient été confiés.
Le 14 août 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail.
Le 15 septembre 2020, le salarié a été déclaré inapte à son poste, avec dispense de reclassement, et a été, le 12 octobre 2020, licencié pour inaptitude.
Alors que le salarié avançait avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, lorsque le 9 août 2019, Il indique qu’à cette date son employeur lui avait retiré son véhicule de fonction, lui avait repris les clés des locaux de l’entreprise, avait coupé ses accès informatiques et sa messagerie, lui avait repris ses dossiers. Le conseil de prud'hommes d'Annecy par un jugement du 13 octobre 2021, a partiellement accueilli le salarié dans ses demandes, mais a considéré que ledit licenciement verbal était non fondé.
Un appel a alors été interjeté et, par une décision du 25 août 2023, la cour d’appel de Chambéry a débouté le salarié et a confirmé le jugement de première instance, en estimant que la restitution de son véhicule de fonction, des clefs, des badges de l’entreprise ainsi que des dossiers, ne saurait manifester la volonté, de la part de l’employeur, de licencier oralement le salarié.
Le salarié s’est, par conséquent, pourvu en cassation.
La décision
L’article L. 1232-6 du code du travail qui dispose que « lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception […] ».
La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle de manière constante qu’un employeur qui manifeste sa volonté irrévocable de rompre le contrat de travail d’un salarié avant l’envoi de la lettre de licenciement, procède à un licenciement verbal, qui est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, par son arrêt du 11 juin 2025 (Cass., Soc., 11 juin 2025, n°23-21.819), la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en considérant que l’employeur, en demandant au salarié de restituer son véhicule de fonction, les clefs, les badges de l’entreprise ainsi que les dossiers qui lui avaient été confiés, avait manifesté sa volonté irrévocable de rompre le contrat de travail, ce dont il s’infère que le licenciement verbal était caractérisé.
L’apport de la décision
Cette décision met en lumière deux aspects importants du licenciement verbal.
· D’un côté, elle rappelle qu’un licenciement verbal peut résulter d’une manifestation implicite de la volonté de rompre le contrat de travail.
· De l’autre, en considérant qu’une simple demande de restitution de matériel suffit à prouver un licenciement verbal, la Cour affaiblit les principes qui permettent normalement de le reconnaître : la volonté claire, directe et définitive de rompre le contrat de travail.
Ces éléments étant essentiels pour qualifier un licenciement verbal, en outre, la Cour ne tient pas compte du contexte : ici, la restitution du matériel a eu lieu pendant un arrêt maladie. Or, dans une telle situation, rendre le matériel ne signifie pas forcément que le contrat est rompu. L’employeur peut simplement vouloir réorganiser temporairement le travail, sans intention de licencier.
En réalité, la Cour a rendu cette décision en considérant que la demande de restitution du matériel manifestait une volonté irrévocable de rupture de l’employeur, faute pour lui d’avoir été en capacité de justifier cette demande. Etant par ailleurs précisé, qu’en l’espèce l’employeur avait tout récupéré, démontrant par là même le fait que, pour lui, ne salarié ne réintégrerait pas.
Cet arrêt montre que la rupture se déduit davantage des circonstances mises en place par l’employeur que d’une volonté clairement exprimée de sa part de rompre le contrat.
Cette décision protège le salarié contre une rupture informelle du contrat de travail. Il ne peut qu’être recommandé à l’employeur de ne procéder à aucun acte (volontaire ou non) qui pourrait laisser penser qu’il a décidé de licencier un salarié avant de lui avoir notifié son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception.
Quant au salarié, il lui sera fortement conseillé de conserver tout élément permettant de prouver, même indirectement, que ledit licenciement est intervenu avant toute notification.
Vous êtes confronté à une situation analogue et vous ne savez pas comment réagir? N'hésitez pas à vous rapprocher de nos Avocats qui peuvent analyser vos documents et vous conseiller sur vos droits.
Commentaires