Management toxique et faute grave : la responsabilité du salarié subsiste, même face aux carences de l’employeur
- INVICTAE

- 11 sept.
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faits et procédure
Un salarié a occupé un poste en qualité de responsable d'édition au sein d’une entreprise. Le 17 novembre 2017, la société lui a notifié un avertissement en raison de son comportement managérial, qu’elle a considéré comme étant toxique et harcelant à l’égard de certains salariés.
Le 2 août 2018, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement. Il a été considéré qu'il avait persisté dans ses pratiques malgré les remarques qui lui avaient été adressées, il a été licencié pour faute grave le 6 août 2018.
Le 27 février 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’obtenir en outre diverses sommes à titre de rappel de salaires et d’indemnités.
Par jugement du 4 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a fait droit aux demandes du salarié en considérant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société a interjeté appel et la cour d’appel de Riom, le 21 février 2023, a confirmé le jugement. Elle a relevé que, si le management du salarié était inadapté, l’absence d’accompagnement de l’employeur et le défaut d’enquête interne sur la souffrance au travail privaient le licenciement de cause réelle et sérieuse.
La société s’est, par conséquent, pourvue en cassation.
La décision
Il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail que « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ».
En outre, l’article L. 1152-1 du même code ajoute que « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Enfin, l’article L. 4122-1 du code du travail rappelle « que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire cesser notamment les risques liés au harcèlement moral ».
Par son arrêt du 6 mai 2025 (Cass., Soc., 6 mai 2025, n°23-14.492), la Cour de cassation a ainsi cassé l’arrêt d’appel en considérant que :
les méthodes de management du salarié avaient persisté à générer une souffrance au travail, constatée notamment par le médecin du travail et dénoncée par plusieurs salariés ;
ce comportement était incompatible avec le maintien du salarié dans l’entreprise, peu important que l’employeur ait lui-même failli à ses obligations de prévention et d’accompagnement ;
la faute grave était donc caractérisée.
L’apport de la décision
La Cour de cassation avait déjà rappelé que le comportement d’un salarié qui pratique un management inapproprié, de nature à causer une situation de souffrance au travail, justifie que soit prononcé un licenciement pour faute grave, eu égard à l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise (Cass., Soc., 14 février 2024, n°22-14.385).
Pour autant, la particularité de la décision du 6 mai 2025 porte sur le fait que les éventuelles carences de l’employeur dans son obligation de sécurité ne sauraient atténuer la faute du salarié qui procède à un management générateur de souffrance au travail.
Cette décision marque un resserrement jurisprudentiel autour des comportements managériaux :
Elle confirme la volonté de la Cour de cassation de sanctionner sévèrement les dérives managériales susceptibles de créer un climat de travail délétère.
Elle opère un équilibre entre l’obligation de sécurité de l’employeur et la responsabilité individuelle du salarié, même en position hiérarchique.
Elle rappelle qu’un comportement managérial toxique n’est pas excusable au regard d’un défaut d’accompagnement ou de prévention de la part de l’employeur.
En somme, la décision renforce la reconnaissance d’un management inapproprié comme faute grave autonome, indépendamment des manquements imputés à l’employeur.
En effet, le manager est lui aussi tenu, comme tout salarié, d’une obligation de vigilance quant à la santé et à la sécurité des travailleurs, indépendamment de celle qui pèse sur l’employeur, et dont le manquement répété peut justifier un licenciement pour faute grave.
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