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Le Comité européen des Droits Sociaux retoque le « Barème Macron »



Alors même que la chambre sociale de la Cour de cassation estimait il y a quelques mois que le barème Macron est compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et que la loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne (à lire ici), le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) vient de publier sa décision rendue le 23 mars 2022.


Dans leur réclamation présentée au mois de mars 2018, les organisations syndicales CGT-FO et CGT demandaient au CEDS de déclarer que l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, instaurant un barème plafonnant la réparation du préjudice des salariés licenciés de manière injustifiée, est contraire à l’article 24 de la Charte. Soutenues par la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et le Syndicat des Avocats de France (SAF), tiers intervenants à cette réclamation, ces organisations ont fait notamment valoir que le barème d’indemnisation mis en place en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

  • Ne permet pas aux victimes de licenciements injustifiés d’obtenir une réparation adéquate de leur préjudice ;

  • Ne garantissent pas un droit de recours effectif en ce que ce plafonnement n’est pas assez dissuasif pour les employeurs.


De son côté, le Gouvernement, soutenu par l’Organisation Internationale des Employeurs (OIE) en tant que tiers intervenante, a fait notamment valoir que :

  • L’allocation d’assurance chômage constitue une forme de remboursement des pertes financières consécutives au licenciement pour le salarié

  • Une autre forme de réparation est prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant à la réintégration du salarié ;

  • Le barème mis en place s’inscrit dans le cadre d’une politique d’harmonisation des pratiques judiciaires, ce dispositif existant déjà dans plusieurs Etats européens. Le plafonnement des indemnités permet alors, selon eux, à « une plus grande sécurité juridique et une plus grande prévisibilité pour les parties au contrat lors de la rupture de la relation de travail. »

  • Celui-ci s’applique uniquement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non pas aux licenciements nuls notamment



Position du Comité

Par une décision du 23 mars 2022, publiée le 26 septembre 2022, le Comité Européen des Droits Sociaux a estimé, à l’unanimité, que les dispositions de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 instaurant un plafonnement de l’indemnisation des salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse violent l’article 24.b de la Charte.


Dans le point 153 de la décision, le Comité précise notamment :

« Un système d’indemnisation est jugé conforme à la Charte s’il prévoit :

a) l’indemnisation de la perte financière encourue entre la date du licenciement et celle de la décision de l’organe de recours ;

b) la possibilité de réintégration du salarié ; et/ou

c) une indemnité d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et réparer le préjudice subi par la victime »


Le Comité, à l’appui de sa décision, a pu relever que :

  • « Le barème est moins élevé pour les salariés ayant peu d’ancienneté et pour ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés. Pour ces derniers, les montants minimums et maximums d’indemnisation auxquels ils peuvent prétendre sont faibles et parfois quasi identiques, de sorte que la fourchette d’indemnisation n’est pas assez large. » ;

  • Les plafonds fixés par l’ordonnance peuvent amener les employeurs à faire une analyse coûts-avantages d’un licenciement injustifié, le Gouvernement ayant par ailleurs mis en place un simulateur en ligne, ceux-ci n’étant par ailleurs pas assez dissuasifs ;

  • Le barème ne permet pas la possibilité d’une indemnisation personnelle « plus élevée en fonction de la situation personnelle et individuelle du salarié, le juge ne pouvant ordonner une indemnisation pour licenciement injustifié que dans les limites inférieure et supérieure du barème, sauf à écarter l'application de l'article L.1235-3 du code du travail. » ;

  • « Dans la mesure où l’indemnisation du préjudice moral causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse est déjà incluse dans l’indemnité plafonnée, la possibilité pour les salariés injustement licenciés de réclamer, en plus de l'indemnité plafonnée, des allocations chômage ou une indemnité pour les dommages liés, par exemple, à des violations de procédure en cas de licenciement économique, ne représente pas une voie de droit alternative à part entière » ;

  • Le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite, et « le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l'affaire peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé ».


Le Comité a également pris en compte la position de la jurisprudence française, et notamment les arrêts rendus par la Cour d’appel de BOURGES (CA BOURGES, 6 nov. 2020, n°19/00585) et la Cour d’appel de PARIS (CA PARIS, pôle 6 Ch.11, 16 mars 2021, n°19-08.721) qui ont écarté l’application de ce barème d’indemnisation.



Apport de la décision

Si cette décision a été publié récemment, elle a été prise avant que la Cour de cassation ne rende sa décision le 11 mai 2022, où il avait alors été souligné que les décisions du CEDS «n’ont pas de caractère contraignant en droit français». En effet, les décisions du CEDS n'ont pas d’effet direct en droit français, cependant, la France a signé la Charte révisée en 1996 et l'a ratifiée en 1999. Cette décision pourrait donc aboutir à ce que soit formulée des recommandations à la France et/ou à ce que la responsabilité de l'état soit remise en cause. Si l'on demeure sur le principe de réparation intégrale du préjudice, il est mis à mal par l'instauration d'un barème, ce faisan, il n'y a pas à douter que la "saga barème MACRON" n'est pas terminée.



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