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Les faits
Un salarié est engagé en tant que soudeur au mois de mai 1997 par la société Sprink’r cédée à la société Axima Concept au mois d’octobre 2017.
Son poste devant être supprimé, le salarié se porte candidat pour un départ volontaire, mais cette demande lui est refusée, celui-ci n’étant pas prioritaire. L’employeur propose alors au salarié un nouveau contrat de travail impliquant des interventions auprès de différents sites et de grands déplacements.
Le salarié est placé en arrêt maladie le 2 novembre 2017, refuse la modification de son contrat de travail en raison de son état de santé, et sollicite un examen médical auprès de la médecine du travail, qui le déclare inapte le 13 novembre 2017.
Il est licencié pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement au mois de décembre 2017.
Estimant que son inaptitude ne pouvait être prononcée lors d’une visite de pré reprise, et alors même qu’il était placé en arrêt maladie pour plusieurs mois, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes de Forbach afin de contester la rupture de son contrat de travail, et obtient gain de cause (CPH Forbach, 10 avril 2019, N° 18/00136).
La société interjette appel de la décision.
Par un arrêt du 20 avril 2021 (n°19/01165), la Cour d’appel de Metz estime, en application des articles R.4624-34 et R.4624-42 du Code du travail, que le médecin du travail pouvait prononcer l’inaptitude du salarié lors d’une visite de pré-reprise, et alors même qu’il était placé en arrêt de travail pour maladie. Elle relève également que le salarié avait la possibilité de contester l’avis d’inaptitude prononcé, ce qu’il n’a pas fait, cet avis devenant dès lors définitif. La Cour d’appel conclut donc que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et rejeté l’intégralité de ses demandes ;
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
La solution de la Cour de cassation
Par un arrêt du 24 mai 2023 (Cass. soc., 24.05.2023, n°22-10.517), la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que « l’inaptitude avait été régulièrement constatée ».
Les juges ont dans le même temps pris le soin de rappeler « la feuille de route » à suivre, au regard des articles L. 4624-4 et R.4624-34 du Code du travail. En effet, il appartient au médecin du travail de se prononcer sur l’aptitude d’un salarié à occuper son poste, après avoir procédé (lui-même ou par un membre de l’équipe pluridisciplinaire) à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur. Il est également rappelé que le salarié et l’employeur peuvent solliciter une visite médicale, « lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé ».
La Cour estime enfin que cette inaptitude peut être prononcée lors d’une telle visite, « peu important que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail ».
L’apport de la décision
Cet arrêt du 24 mai 2023 (Cass. soc., 24.05.2023, n°22-10.517) vient renforcer la protection de la santé et de la sécurité des salariés. En effet, il est possible pour le médecin du travail de déclarer un salarié inapte depuis la Loi Travail de 2016 en une seule visite (Article R. 4624-42 du Code du travail). Néanmoins et jusqu’à cet arrêt, aucun avis d'inaptitude ne pouvait être délivré par le médecin du travail lors d’une visite de pré-reprise (Circ. DGT n° 13, 9 nov. 2012).
Cet arrêt du 24 mai 2023 (Cass. soc., 24.05.2023, n°22-10.517) opère un revirement de jurisprudence et vient préciser les règles légales. Une inaptitude peut être donc prononcée par le médecin du travail, lors d’une visite médicale dite de pré-reprise sollicitée par le salarié ou l’employeur, et alors même que le salarié est placé en arrêt maladie.
En l'espèce la Cour de cassation a pris le soin de préciser que l’avis émis répondait aux critères légaux : date et l’heure de début et de fin de la visite médicale, date à laquelle a été effectuée l’étude de poste et des conditions de travail, date d’échange du médecin avec l’employeur ainsi que la date de la dernière actualisation de la fiche d’entreprise.
Il convient par ailleurs de rappeler que tant l’employeur que le salarié ont la possibilité de contester l’avis d’inaptitude établi dans les 15 jours qui suivent sa notification, devant le Conseil de prud’hommes territorialement compétent, faute de quoi celui-ci devient définitif.
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