"humour" raciste et sexiste : La Cour de cassation confirme que la dignité au travail prime sur la popularité d’un salarié.
- INVICTAE
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Les faits et la procédure
Un salarié a occupé le poste de directeur commercial au sein d’une entreprise à compter du 26 décembre 2011, d’abord dans le cadre de contrats à durée déterminée, puis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée conclu le 1er janvier 2013.
Le 27 février 2019 , il est convoqué à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Le 6 mars 2019, le salarié a été licencié pour faute grave pour avoir tenu, sur son lieu et pendant son temps de travail, des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisante.
Le 9 avril 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de contester la légitimité de son licenciement, invoquant l’absence de cause réelle et sérieuse ainsi que le caractère brutal et vexatoire de la rupture. Il a formulé diverses demandes indemnitaires, comprenant notamment des rappels de salaire et des dommages-intérêts.
Par jugement du 24 juin 2021, le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.
Le salarié a alors interjeté appel le 26 juillet 2021 et a demandé à la cour d’appel de Paris de réformer intégralement le jugement, de dire notamment que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d’en reconnaître le caractère brutal et vexatoire.
Par une arrêt du 28 novembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, retenant que son licenciement reposait sur une faute grave et ne présentait pas de caractère brutal ou vexatoire.
La cour a rappelé que les griefs établis caractérisaient un comportement et des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisante en raison de l’orientation homosexuelle, portant atteinte à la dignité par leur caractère dégradant. Elle a souligné que, quand bien même ces propos se voulaient humoristiques, et bien que le salarié fût apprécié d’un grand nombre de ses collègues, ils n’en demeuraient pas moins inacceptables au sein de l’entreprise, d’autant plus qu’ils avaient été réitérés à plusieurs reprises et avaient heurté certains salariés.
Le salarié s’est, par conséquent, pourvu en cassation.
La décision
Il résulte en substance de l’article L. 4122-1 du code du travail que « Tout salarié doit veiller à sa santé et à sa sécurité, ainsi qu’à celles de ses collègues et de toute autre personne présente sur son lieu de travail, en fonction de sa formation et de ses possibilités ».
Par son arrêt du 5 novembre 2025 (Cass., Soc., 5 novembre 2025, n°24-11.048), la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel, en soulignant que celle-ci avait à bon droit déduit que le comportement du salarié, sur le lieu et pendant le temps de travail, était de nature à porter atteinte à la santé psychique d’autres salariés, et rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise.
L’apport de la décision
Cette décision intervient dans le prolongement d’une précédente décision par laquelle la Cour de cassation avait considéré comme justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié en raison d’un management marqué par des attitudes colériques et l’usage de propos insultants et dégradants envers plusieurs employés.
Un tel comportement constitue, de la part du manager, un manquement à son obligation en matière de santé et de sécurité envers ses subordonnés, rendant impossible la poursuite du contrat de travail (Cass., Soc., 26 février 2025, n°22-23.703).
Par son arrêt du 5 novembre 2025, la Cour de cassation adopte un raisonnement similaire, en considérant cette fois que des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisante constituent une violation de l’obligation de sécurité incombant au salarié, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Il apparait donc que des propos tenus dans le cadre professionnel, même s’ils sont dits sur le ton de l’humour et appréciés par certains collègues, peuvent constituer une violation par le salarié de son obligation de sécurité s’ils portent atteinte à la dignité ou à la santé psychique d’autrui.
Il s’en déduit donc que :
La Cour fonde son appréciation sur le caractère objectif des atteintes, en considérant que, dès lors que les propos sont dégradants et nuisibles pour certains salariés, ils suffisent à justifier un licenciement, peu important la popularité du salarié ou le ton humoristique que celui-ci a pu employer.
L’argument du salarié selon lequel les échanges auraient un caractère privé n’a eu aucune incidence, dès lors que les faits reprochés se sont produits sur le temps et le lieu de travail et ont eu un impact sur d’autres salariés.
Cette décision démontre bien que la liberté d’expression du salarié, y compris sous couvert d’humour, trouve ses limites dans la dignité et la santé psychique des autres.
L’importance de la santé mentale est donc une nouvelle fois mise en avant en étant érigée comme un corollaire de l’obligation de sécurité.
Ainsi, l’employeur est en droit de sanctionner tout comportement discriminatoire ou humiliant, même s’il est exprimé sur le ton humoristique et qu’il ne s’adresse qu’à un cercle restreint.
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