Dénonciation publique d'un harcèlement : l'employeur doit prouver la mauvaise foi du salarié.
- mm6367
- 25 juil.
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Les faits et la procédure
Une salariée a été engagée par une société de rachat de bijoux en qualité de responsable de boutique, par contrat à durée indéterminée à compter du 16 février 2016.
Le 1er février 2018, la salariée a déposé plainte contre le président de la société pour des faits de harcèlement sexuel et moral, laquelle plainte a été classée sans suite.
Le 19 mars 2018, elle est convoquée à un entretien préalable au licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Le 9 avril 2018, la salariée est licenciée pour faute grave pour avoir dénoncé publiquement des faits de harcèlement sexuel non avérés à l’encontre du président de la société sans s’être limitée aux voies internes à l’entreprise ou aux organismes chargés du contrôle du travail.
La salariée a donc saisi le Conseil de prud’hommes en demandant la nullité du licenciement.
Le 25 novembre 2020, le Conseil de prud’hommes de RENNES a accueilli la salariée dans ses demandes et a
reconnu la nullité du licenciement, fondée sur la dénonciation de faits de harcèlement sexuel et moral.
La société a interjeté appel, et, par une décision du 9 novembre 2023, la Cour d’appel de RENNES a confirmé le jugement de première instance, en estimant que la salariée a dénoncé des faits de harcèlement sexuel sans qu’il ne soit prouvé qu’elle l’ait fait de mauvaise foi. Or, la mauvaise foi ne peut être caractérisée que si le salarié savait que les faits dénoncés étaient faux, ce que l’employeur n’a pas démontré.
L’employeur s’est pourvu en cassation.
La décision
Aux termes de l’article L. 1153-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l’objet d’un harcèlement sexuel, ni être sanctionné pour avoir refusé de tels actes.
Mais plus encore, l’article L. 1153-3 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir témoigné ou alerté de faits de harcèlement sexuel, sauf mauvaise foi.
Par son arrêt du 4 juin 2025 (Cass., Soc., 4 juin 2025, n° 24-12.086), la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel, puisque l'employeur ne produisait aucun élément de nature à établir la mauvaise foi de la salariée, qui n'était pas à l'origine de la publication de messages anonymes sur le site internet « www.balancetonporc.com », et avait dénoncé des agissements imputables au dirigeant, d'abord en interne et, en l'absence de réaction de l'employeur, auprès des services de police et de l'inspection du travail.
L'apport de la décision
La règle selon laquelle la mauvaise foi du salarié qui dénonce des faits de harcèlement est caractérisée par la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce n’est pas nouvelle.
En effet, la Cour de cassation avait déjà rappelé par une décision du 11 décembre 2024 (Cass., Soc.,11 décembre 2024, n° 23-22.047) que le salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sauf si sa mauvaise foi est établie, ce qui suppose qu’il savait que les faits dénoncés étaient faux. Elle précise que le seul fait que les faits dénoncés ne soient pas établis ne suffit pas à prouver la mauvaise foi.
L’arrêt du 4 juin 2025 apporte toutefois quelques précisions.
D’une part, la Cour de cassation renforce la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement sexuel puisqu’ils ne peuvent être licenciés que si l’employeur prouve qu’ils avaient connaissance de la fausseté des faits.
Ainsi, le classement sans suite d’une plainte pénale ne permet nullement de présumer d’une connaissance de l'inexactitude des éléments dénoncés, qui doit être démontrée par d’autres éléments.
D’autre part, il semble admis que la dénonciation de ces faits puisse dépasser le strict périmètre interne de l’entreprise.
La Cour de cassation indique effectivement que la publicité des allégations n’avait pas été plaidée devant la Cour d’appel, mais ne retient pour autant pas ce moyen, mettant notamment en exergue le fait que la salariée avait tenté, dans un premier temps, de dénoncer en interne les faits.
Ce mécanisme n’est pas sans rappeler celui afférent lanceurs d’alerte.
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin II », et plus récemment, la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 « visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte », protègent le salarié lorsque la dénonciation dépasse le cadre strictement interne à l’entreprise et devient publique, à condition notamment d’avoir alerté au préalable en interne ou les autorités compétentes.
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