Les faits
Un salarié est engagé en tant que chef d’équipe couvreur. Après 15 années de collaboration, il est décidé de conclure une rupture conventionnelle du contrat de travail.
N’ayant jamais été destinataire de sa convention de rupture, le salarié saisit le Conseil de Prud’hommes de Troyes afin d’obtenir un rappel de salaire et d’indemnités de trajet, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour demander que la rupture du contrat de travail soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
N’ayant pas obtenu satisfaction, le salarié interjette appel du jugement rendu.
Par un arrêt du 14 novembre 2018, la Cour d’appel de Reims (CA Reims, Ch soc, 14 nov 2018, n° 17/02100) accueille la demande du salarié visant à la requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur forme alors un pourvoi en cassation en faisant valoir que :
Les articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du Code du travail prévoient qu’une convention de rupture doit être signée entre les deux parties et transmise à la DIRECCTE, mais n’imposent pas que chacune des parties dispose d’un exemplaire de la convention conclue,
La demande d’homologation de la convention a été obtenue de la DIRECCTE, il appartenait alors aux juges du fond si la non-remise de cette convention a affecté le libre consentement et le droit de rétractation du salarié,
Il appartient au salarié, qui invoque la nullité de la convention, d’en rapporter la preuve.
L’analyse de la Cour de Cassation
Le 23 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de Cassation (Cass. soc., 23 sept. 2020, n° 18-25.770) rejette les demandes de l’employeur en considérant que :
Un exemplaire de la convention de rupture du contrat de travail doit être remis au salarié afin que chacune des parties en sollicite l’homologation et « garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause » sous peine de nullité de ladite convention,
« En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve »
Les juges ont alors confirmé la décision d’appel qui a constaté la nullité car aucune mention de remise n’a été portée sur le formulaire et l’employeur ne rapportait pas la preuve d’une telle remise au salarié.
Apport
La Cour de Cassation édicte une sorte de guide pour les juges du fond. En effet, face à une demande de nullité de convention de rupture du contrat de travail, il leur appartient de vérifier s’il est fait mention d’une quelconque remise, et à défaut d’analyser les éléments de preuve rapportés par l’employeur.
Les juges réaffirment alors une jurisprudence constante selon laquelle un exemplaire signé des deux parties à la convention de rupture doit être remis au salarié (Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-27.000, Cass. soc., 7 mars 2018, n° 17-10.963 et Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 18-14.414 commenté par le Cabinet INVICTAE)
Cette décision va néanmoins plus loin en ce qu’elle renverse la charge de la preuve et la fait peser sur l’employeur qui doit prouver avoir remis son exemplaire au salarié.
Ainsi, il est recommandé aux employeurs d’ajouter une mention expresse à la convention de rupture afin de s’assurer de la remise d’un exemplaire de la remise, ou bien de faire signer un récépissé de remise au salarié.
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