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La recevabilité d’extraits de vidéosurveillance illicites comme preuve de fautes graves justifiant le licenciement



Les faits 

Une salariée a été engagée en qualité de caissière au sein d’une pharmacie. L’employeur y a installé un système de vidéosurveillance afin d’assurer la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux sans même informer les salariés ni consulter le CSE.


Par ce biais, l’employeur avait constaté plusieurs fautes graves d’une salariée : vente de produits à des prix inférieurs au prix de vente ou encore absence de l’enregistrement de vente de produits délivrés au client.


Ces fautes avaient entraîné la notification de son licenciement pour faute grave le 19 juillet 2016.


La procédure 

La Cour de cassation avait été saisi une première fois en 2021 sur cette même affaire et avait affirmé que ce mode de preuve était illicite du fait de l’absence d’information des salariés et de consultation du CSE sans même qu’elle ne prenne en compte la proportionnalité entre le droit de la preuve et le respect de la vie privée. Elle avait ainsi cassé l’arrêt d’appel et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion (Cass. soc. 10 nov. 2021, n°20-12.263 FS-B).


Suite à la décision de la cour d’appel qui confirmait la solution de la Cour de cassation du 10 novembre 2021, la salariée s’est pourvue en cassation et conteste la décision selon laquelle son licenciement pour faute grave a été valablement prononcé.


Elle avance que l’employeur doit informer les salariés et consulter les représentants du personnel de tout contrôle de l’activité des salariés. Elle affirme également que le juge doit s’interroger sur la légitimité du contrôle et le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle de la salariée.


La solution 

La Cour de cassation statue au visa de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du code de procédure civile. Elle décide d’admettre la licéité de la preuve des fautes par un système de vidéosurveillance illicite. Pour ce faire, elle met en balance le droit à la preuve et le rôle du juge qui doit vérifier si cette preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble tout en considérant de nouveau le droit à la preuve des parties.


Elle précise que, s’agissant d’une preuve intrinsèquement illicite, le juge doit se questionner sur trois points :

-          La légitimité du contrôle de l’employeur : l’existence de justifications du recours à la vidéosurveillance,

-          La possibilité d’atteindre le même résultat par un moyen plus respectueux de la vie privée du salarié,

-          Le caractère proportionné de l’atteinte portée au vu du but poursuivi.


Ainsi, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel de renvoi qui prend en compte la légitimité du contrôle de l’employeur pour la protection de ses biens. Selon la cour d’appel, l’atteinte était proportionnée au but poursuivi, la protection des biens, et indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur qui n’aurait pas pu prouver les fautes graves par un autre moyen.


Par une décision du 14 février 2024, la Chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n°22-23.073) a jugé que cette atteinte est justifiée, selon la Cour de cassation, par le visionnage court, par une seule personne (le dirigeant) des fautes graves qu’il aurait été impossible de prouver sans la vidéosurveillance illicite.


Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 qui admet l’utilisation de preuves illicites dans un procès civil si elle est indispensable et proportionnée au but poursuivi (Cass. ass. plén,  22 déc. 2023, n°20-20.648)

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