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Rappel sur les mécanismes probatoires spécifiques en droit du travail




Le 25 mai 2022, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts dans lesquels elles réaffirment les mécanismes probatoires propres aux cas de harcèlement moral, discrimination syndicale et en présence d’heures supplémentaires non rémunérées.


Les faits

Un salarié est engagé en 2003 en tant que moniteur éducateur au sein d’un institut médico éducatif, puis évolue au poste d’éducateur spécialisé. En octobre 2012, il est élu délégué du personnel suppléant et membre du comité d’entreprise. Estimant faire l’objet de discrimination syndicale et de harcèlement moral, le salarié et le syndicat saisissent la juridiction prud’homale. Leurs demandes au titre du harcèlement moral sont rejetées par le Conseil de prud’hommes de Laon le 25 septembre 2018, et celles tenant à la discrimination syndicale sont accueillies.


Par un arrêt du 15 octobre 2015 (CA Amiens, 5eme ch. prud. , 15 oct. 2020, n° 18/03928), la Cour d’appel d’Amiens déboute le salarié de ses demandes. S’agissant du harcèlement moral comme de la discrimination syndicale, les juges estiment « d’abord que le salarié produit suffisamment d’éléments pour remplir la charge de la preuve qui lui incombe », et que les éléments versés « sont suffisants à laisser présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral » et que le salarié « établit l’existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l’existence d’une discrimination à son encontre ». Cependant et après analyse de ces éléments, la Cour d’appel estime que les preuves rapportées par le salarié ne permettent pas de caractériser une situation de harcèlement moral ni établir une situation de discrimination.


Le salarié ainsi que le syndicat forment un pourvoi en cassation et font valoir que les juges ont fait peser la charge de la preuve uniquement sur le salarié, sans apprécier si les éléments présentés par l’employeur.


Un salarié est engagé par la société Sud-Est télécom Réunion en mai 2013 comme technicien polyvalent. Le 1er octobre 2014, ce dernier a pris acte de la rupture du contrat de travail et saisit la juridiction prud’homale le 17 mars 2015. La société est placée en liquidation judiciaire en cours de procédure, par un jugement du 4 octobre 2019. Le salarié obtient la requalification de sa prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse le 8 mars 2016, et la société fait appel de la décision.


Par un arrêt du 24 septembre 2019 (CA Saint-Denis de la Réunion, Ch. Soc., 24 sept 2019, n°18/00416), la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion infirme la décision de première instance, estimant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du salarié doit produire les effets d’une démission, et le déboute de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour préjudice distinct. Les juges font valoir que le salarié n’a jamais contesté les sanctions disciplinaires et n’a pas produit d’élément contraire.


Estimant que la Cour d’appel s’est prononcée sur des motifs inopérants, le salarié forme un pourvoi en cassation.


Une salariée est engagée en 2012 par une société comme agent polyvalent, et évolue au poste d’assistante responsable en juillet 2014. En avril 2015, elle saisit le Conseil des prud’hommes de Lyon d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de diverses demandes à caractère indemnitaire et de rappel de rémunération, puis est licenciée en décembre 2015 alors même qu’elle était placée en arrêt maladie depuis plusieurs mois pour syndrome d’épuisement professionnel.


Par un arrêt du 7 février 2020, la Cour d’appel de Lyon prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée, mais la déboute de sa demande de rappel d’heures supplémentaires. Selon les juges, les décomptes versées par la salariée ne sont pas clairs et précis, faisant seulement état des amplitudes horaires et non établis par l’employeur.


Le pourvoi formé par la salariée dénonce principalement que la Cour d’appel ne s’est pas interrogée sur l’absence de production par l’employeur d’éléments permettant d’évaluer les heures travaillées, et a donc fait peser la charge de la preuve sur elle seule.



Les solutions de la Cour de cassation

Par trois arrêt du 25 mai 2022 (Cass. soc., 25 mai 2022, n°20-23.598 ; n°21-13.129 ; n°20-17.700), la Cour de cassation casse et annule les décisions rendues par les juges du fond.


Pourquoi?

  • Car la loi organise un mécanisme de preuve en deux temps pour prouver le harcèlement moral.

Il en résulte que la charge de la preuve ne pèse pas sur le seul salarié (Cass. soc. 9 décembre 2020, n°19-13.470). Pour autant, les juges devaient quant à eux appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher l’existence du harcèlement allégué. Finalement, il revenait à l’employeur de démontrer que la situation n’était pas celle d’un harcèlement.


Les arrêts rendus le 25 mai 2022 (Cass. soc., 25 mai 2022, n°20-23.598 ; n°21-13.129 ) rappellent avec force que les juges doivent obligatoirement vérifier que les agissements invoqués par le défendeur, débiteur de la charge de la preuve, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou discrimination. Les juges doivent nécessairement examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié et apprécier si les faits établis permettent de présumer une infraction.


Cette règle est d’autant plus applicable lorsque le demandeur apporte des preuves laissant supposer une situation de harcèlement ou de discrimination.


  • Car en matière d'heures supplémentaires la preuve partagées est strictement encadrée

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.


Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ».


Ainsi, cette décision s’inscrit dans le prolongement d’une jurisprudence constante en la matière, et dans la mouvance actuelle des décisions rendues depuis un arrêt du 18 mars 2020 (Cass. soc., 18 mars 2020, n°18-10.919).



Ces 3 décisions du 25 mai 2022 rappellent que les éléments de faits de harcèlement moral, de discrimination et d’accomplissement des heures supplémentaires effectuées sont soumises à un régime de preuve partagé spécifique entre l’employeur et le salarié.




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