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Le sort de la prise d'acte basée sur un harcèlement sexuel non reconnu

Dernière mise à jour : 9 juin 2021



Par une décision du 8 juillet 2020 (n°18-24.320), la Cour de Cassation est venue préciser que, s'agissant d'une prise d'acte basée sur des faits de harcèlement sexuels, celle-ci peut être justifiée y compris lorsque les faits de harcèlement ne sont pas reconnus.


En effet, le manquement à l'obligation de sécurité imputable à l'employeur doit être apprécié indépendamment des faits de harcèlements présentés par la salariée.


Les faits

Une salariée est engagée en 2003 en qualité de gestionnaire carrières et prend acte de la rupture de son contrat de travail en 2015, s’estimant victime de harcèlement sexuel de la part d’un de ses collègues. Elle a pris acte de son contrat de travail au motif du harcèlement prétendument subi par elle et invoquant un manquement à l'obligation de sécurité de son employeur.

A l’appui de ses demandes devant le Conseil de Prud’hommes de Lyon, elle verse notamment aux débats un courriel d’invitation à déjeuner, des courriels de dénonciation des agissements adressés à l’employeur ainsi qu’aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail et au procureur de la République. La salariée produit également le procès-verbal d’audition de la plainte qu’elle a déposée pour harcèlement sexuel.

La Cour d’Appel de Lyon, le 12 septembre 2018, infirme la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de Lyon et la déboute de ses demandes aux motifs que :

  • « Les seules déclarations de [la salariée] ne sont pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel » et que la proposition à déjeuner était « courante entre collègues de travail, n’est pas caractéristique par elle-même d’agissements de nature sexuelle […] le reste de cet échange […] est trop peu explicite pour en tirer une quelconque conclusion quant au comportement de l’intéressé » ;


  • « La salariée n’établissait pas l’existence d’éléments laissant présumer qu’elle eût été victime de harcèlement sexuel ou moral- que, dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner si un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat est à l’origine de ce harcèlement sexuel et moral invoqué ».

Sa prise d’acte a donc été analysée comme une démission par les juges, la salariée forme alors un pourvoi en cassation.


L’analyse de la Cour de Cassation

Par un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de Cassation a, refusé d'examiner l'argumentation relative au harcèlement sexuel précisant qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement l’existence d’un harcèlement sexuel au regard des éléments de preuve qui lui sont soumis.

Toutefois, elle a rappelé que le respect de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur est distinct de la prohibition des agissements de harcèlement moral et sexuel, et ne se confond pas avec elle. Ce n’est donc pas parce que les faits de harcèlement ne sont pas établis que les juges ne doivent pas examiner un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.


En conséquence, elle a cassé l'arrêt rendu en ce qu'il a dit que la prise d’acte de la salariée s’analysait en une démission et l'a débouté de ses demandes.

Le contexte de la décision
  • Rappel de la règle de droit

Les articles L. 1153-1 et L.1154-1 du Code du travail prohibent les comportements constitutifs de harcèlement sexuel portant atteinte au salarié. Concernant la charge de la preuve dans ce cadre, elle est spécialement aménagée. En effet, la victime présente les éléments laissant à supposer à l'existence d'une situation harcelante et c'est à l’employeur de rapporter la preuve contraire ou de démontrer éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En dernier lieu, le juge forme sa conviction au regard des éléments soumis.


En tout état de cause et en application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection physique et mentale de ses salariés, et ce notamment face aux risques liés au harcèlement moral et sexuel.


  • rappel de la position jurisprudentielle

Par le passé, la Cour de Cassation avait déjà opéré cette distinction entre prévention des risques professionnels et prohibition des faits de harcèlement moral (Cass. soc., 27 nov. 2019, n 18-10.551).


  • modification législative intervenue sur le point de droit

Il convient par ailleurs de relever que l’article L. 4121-2 du Code du travail, dans sa nouvelle rédaction postérieure à la loi du 8 août 2016, a ajouté que les principes généraux de prévention sont étendus « aux agissements sexistes », qui s’entendent comme « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (article L1142-2-1 du Code du travail) ».

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