Les faits
Une salariée est engagée en tant qu’employée de réserve par la société Mango France au mois de juillet 2012, avec une reprise d’ancienneté en février 2006.
Le 10 janvier 2018, la société lui envoie une convocation à entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception. Présentée en vain au domicile de la salariée le 12 janvier, la convocation n’est retirée que le 22 janvier, pour un entretien à se tenir le 24 janvier : soit moins d'un jour franc avant l'entretien.
La salariée se présente à cet entretien, assistée d’une salariée de l’entreprise, et est licenciée pour cause réelle et sérieuse le 15 février 2018. Elle saisit le Conseil de prud’hommes de Grenoble en dénonçant notamment des faits de harcèlement moral.
Le 22 juillet 2019, le Conseil de prud’hommes de Grenoble (CPH Grenoble, 22 juill. 2019, n°18/00267) la déboute de sa demande en nullité de son licenciement, mais juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse. La salariée obtient le versement de diverses sommes, et notamment au titre du non-respect de la procédure de licenciement.
En effet, celle-ci met en avant un grief, puisqu’il résulte du compte-rendu d’entretien préalable fait par Madame Z, salariée de l’entreprise ayant assisté Madame X lors de cet entretien, que cette dernière avait, au départ, sollicité Madame D H, déléguée du personnel, qui n’a pu se rendre disponible eu égard au délai de prévenance trop court, étant relevé que la salariée doit pouvoir avoir le libre choix de la personne l’assistant et notamment souhaiter, en priorité, être accompagnée d’un représentant du personnel susceptible d’être davantage expérimenté dans cette mission d’assistance.
Les juges du fond valident son raisonnement et indiquent « la date à prendre en considération est donc bien celle où le salarié a réellement eu en main la convocation, l’autre alternative étant la remise en main propre qui assure la connaissance directe du salarié. »
L’employeur interjette appel de cette décision
La Cour d’appel de Grenoble, le 9 décembre 2021 (CA Grenoble, Ch. sociale -section b, 9 déc. 2021, n° 19/03356) prononce la nullité du licenciement de la salariée. Les juges d’appel adoptent la même position que les juges du fond, en retenant la date à laquelle la convocation avait été retirée par la salariée.
L’employeur forme un pourvoi en cassation en faisant valoir « que le délai de cinq jours ouvrables qui doit séparer la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement et cet entretien court à compter de la date de première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception convoquant le salarié à l'entretien ».
Solution et portée
Au visa de l'article L. 1232-2 du Code du travail, la Cour de cassation (Cass. Soc., 6 sept. 2023, n°22-11.661) casse la décision d’appel, en estimant « que le délai de cinq jours avait commencé à courir le 13 janvier 2018, le jour suivant la présentation de la lettre recommandée, en sorte qu'à la date de l'entretien fixé au 24 janvier suivant, la salariée avait bénéficié d'un délai de cinq jours ouvrables pleins ».
ce faisant la Cour de cassation ne prend pas en considération le grief mis en avant pas la salariée qui avait indiqué avoir du choisir la personne l'ayant assisté par défaut compte tenu du délai. Ici la Cour de cassation rappelle que l'irrégularité de procédure s'entend strictement et que le délai est à décompter à partir de la première présentation, peut importe que la salarié ait mis 10 jours à retirer le plis. Aussi, "faire l'autruche" ne sert à rien.
Les juges ont opéré une cassation partielle sans renvoi, en statuant au fond plutôt que de renvoyer le litige devant la Cour d’appel. En effet, la Cour a pris le soin de déduire l’indemnité pour irrégularité de procédure (1 mois de salaire) allouée en appel à la salariée, de la somme globale devant être versée par l’employeur en raison de la nullité du licenciement.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce point, et considère que le fait que le salarié refuse de recevoir la lettre recommandée de convocation ou d'en prendre connaissance ne peut avoir pour effet de suspendre ou de paralyser la procédure de licenciement (Cass. soc., 26 mars 1980, n° 78-41.042 ; Cass. soc., 23 juill. 1980, n° 80-60.233 : Bull. civ. V, n° 695).
NB : Attention, cela n'implique pas que le refus de prendre connaissance d'une procédure disciplinaire à son encore soit un motif de licenciement ou une insubordination. en effet, le "refus de prendre connaissance de la convocation à l’entretien et de la lettre notifiant le licenciement ne peut fonder celui-ci ". (Cass. soc., 18 févr. 2004, n° 01-46.124).
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