Les faits
Dans le cadre du rachat d’une société entraînant la cessation complète et définitive de l’activité au mois d’août 2016, un PSE est signé entre la société Aptalis Pharma et les organisations syndicales en octobre 2016. Cet accord est validé par la DIRECCTE et les salariés sont licenciés pour motif économique entre le mois de janvier et le mois de mai 2017.
Vingt trois d’entre eux saisissent le Conseil de prud’hommes afin de contester leur licenciement.
Le 20 janvier 2022, la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 20 janv. 2022, N° 19/0166 et 22 autres) juge les licenciements sans cause réelle et sérieuse et estime notamment que :
La cessation complète et définitive d’activité de la société n’était pas encore effective au moment des licenciements ;
D’autres entreprises du groupe ont poursuivi l’exploitation de certains produits de la société et certains salariés ont vu leur contrat de travail transféré ;
La société ne justifiait pas de difficultés économiques ni d’une menace sur sa compétitivité au sein du groupe, le transfert partiel des activités de la société puis sa fermeture avait pour seul but d’améliorer la rentabilité du groupe ;
La société Aptalis Pharma, « notamment par le biais de son associé unique, a participé à la stratégie du groupe visant son démantèlement au détriment de ses intérêts, ce qui traduit une légèreté blâmable ».
L’employeur forme un pourvoi en cassation, en faisant notamment valoir que :
Le processus de cessation d’activité était engagé au moment des licenciements et elle a été effective moins de trois mois plus tard. Le motif économique est dès lors réel ;
La notion de cessation d’activité complète et définitive s’apprécie au niveau de l’entreprise et non pas au niveau du groupe auquel elle appartient ;
La cessation d’activité complète et définitive et la fermeture de la société constituent une cause autonome de licenciement, aucune faute ou légèreté blâmable ne pouvait être reprochée à l’employeur
Solution
Par un arrêt du 20 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 20 sept. 2023, n° 22-13.485) a cassé et annulé la décision rendue par les juges d’appel.
Au visa de l'article L. 1233-3, 4°, du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : « le maintien d'une activité résiduelle jusqu'au 31 mars 2017, nécessaire à l'achèvement de l'exploitation de certains produits avant leur cession » ne caractérise pas une poursuite d’activité.
Les juges de la Haute Cour estiment donc que la société n’avait commis aucune faute en organisant la cessation d’une activité pourtant bénéficiaire.
Cette décision s’inscrit dans le cadre de la position actuelle de la Cour de cassation qui a récemment considéré que « dès lors que la seule circonstance que d’autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la cessation d’activité de la société (…) soit regardée comme totale et définitive » (Cass. soc., 28 sept. 2022, n°21-17.812).
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